Trouver le temps d'écrire

Trouver le temps d'écrire

En 2011, j’avais une superbe idée pour un thriller technologique. Je ne savais pas comment m’y prendre, et jamais je n’avais attaqué un aussi gros projet d’écriture. J’imaginais qu’il me faudrait six à huit mois pour finir le livre. Trois ans plus tard, je publiais ce qui allait devenir mon premier roman : Totem.

Après des débuts intéressants (« Wow ! D’autres personnes que la famille et les amis sont intéressés ! Wow ! Des commentaires ! Wow, des bons commentaires !! ») et la satisfaction d’avoir mon premier roman dans les mains, j’ai compris que je voulais continuer, c’est-à-dire écrire et publier le plus possible, parce que j’adorais le processus entier, depuis l’idée jusqu’au produit final, le livre.

Très vite, écrire est devenu un besoin.

Dans le même temps, si j’écris, c’est pour mon plaisir aussi bien que pour celui des autres, ceux qui ont passé un bon moment avec ce premier bouquin, qui pourraient aimer le suivant et d’autres romans que j’écris. Petit à petit, l’envie de toucher plus de lecteurs me gagne, ce qui nous amène au réel problème de tout écrivain.

Le problème de tout jeune auteur est de faire connaître son travail.

Le problème des jeunes écrivains c’est l’obscurantisme. En 2009 déjà, j’ai eu la chance d’avoir une réponse de l’un de mes écrivains fétiches, Cory Doctorow, au mail que je lui ai envoyé à l’époque. L’une des conclusions était précisément ce point ; en fait, il s’agit de rendre nos textes accessibles au plus grand nombre.

Quand l’un de tes auteurs préférés prend le temps de te répondre…

Il existe différentes possibilités pour augmenter sa visibilité (voir cet article de J.F. Penn), mais souvent sur un point qui ressort plus souvent que les autres : il faut publier plus, et donc il faut écrire plus. Non seulement cela augmente votre visibilité, mais vous allez améliorer votre écriture.

Alors, ça tombe bien : j'aime ça, écrire. Mais… (parce qu’il y a toujours un mais).

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Le dayjob

Me v’là beau.

Non, parce que la grosse majorité des écrivains ne peut pas vivre exclusivement de son écriture et a un travail alimentaire — les anglophones, avec ce sens de l’efficacité linguistique, utilisent le mot dayjob. Bien entendu, je ne fais pas exception.

Vous me voyez venir avec mes gros sabots qui laissent des traces dans le beurre. Je n’ai pas réussi à écrire mon premier roman en moins de deux ans, et il faudrait que je trouve du temps – encore plus de temps – pour écrire plus !

Au fil des jours, j’avais mis en place une routine bien rodée qui me permettait d’écrire mille mots par jour. La quantité n'est pas le plus important, ce qui compte est bien la régularité. Mais ça n’a pas raté : elle a volé en éclats avec la prise de nouvelles fonctions professionnelles dans le dayjob… Qui m’ont bien occupé deux ou trois années.

Il faut bien manger, ma bonne dame. Et puis en plus, je l’aime bien, mon dayjob.

Comment faire, alors, pour dégager du temps ?

« Voler » du temps pour écrire.

Certains, comme Sophie Gliocas dans sa chouette newsletter Gang de Plumes, étudient le problème à leur façon, et Sophie tombe sur une évidence : si écrire est un besoin, il va falloir faire des sacrifices.

C’est là où cela devient compliqué (et non complexe), parce qu’à chacun sa vie, et donc à chacun ses solutions. Vous devrez piquer des idées chez les autres, les mélanger aux vôtres et en ressortir un système qui fonctionne pour vous. Je partage ici quelques trucs qui ont fonctionné pour moi, cela peut vous servir de point de départ.

Pour ma part, à force de bricoler, j’ai trouvé des petites astuces bien personnelles, piquées à droite et à gauche, et qui peuvent éventuellement aider à écrire plus. En vrac, je vide le sac :

  • Changer ses horaires (d’écriture) : écrire tard le soir, ou bien tôt le matin peut vous permettre d’écrire mieux, donc d’écrire plus vite (donc plus). J’ai essayé pendant un temps de me lever à 5 h et de consacrer une heure devant mon clavier avant tout le reste. Pendant une autre période de ma vie, j’étais un oiseau de nuit, travaillant après 22 h. J’ai maintenant coupé la poire en deux et je fractionne… Parce que c’est plus adapté à mon mode de vie.
  • Écrire en groupe : le fait de devoir rendre des comptes, tenir ses engagements peut vous aider à garder une certaine motivation et faire taire la petite voix qui s’exprime dès que l’on s’approche du clavier. C’est celle qui dit : « Netflix, Neeeetfliiiiix ! » (remplacez par votre moyen de procrastination préféré). Rendre des comptes peut rabaisser le caquet à cette petite voix, c’est un ressort psychologique très utile. Vous pouvez rejoindre un groupe d’écriture, participer au NaNoWriMo ou avec des amis. Mais ce n’est pas obligatoire non plus : publier son compte de mots journalier quelque part peut suffire (c’est le cas de Doctorow qui poste ses progrès sur son compte Mastodon par exemple, ou créer une barre de progression sur son site personnel…) Dernièrement, c’est la barre de statistiques de Scrivener qui me pousse de manière très efficace : une fois que la machine est lancée, je profite de l’élan.
  • Écrire en fractionné : à la pause midi, dans les transports, quand vous avez cinq minutes par-ci, cinq minutes par là. Petit à petit, les mots s’accumulent dans la journée et vous pouvez atteindre vos objectifs sans bloquer un grand moment.
  • Écrire même quand on n’écrit pas : un peu de temps en voiture durant lequel vous pouvez réfléchir à la prochaine action de vos personnages, à résoudre des problèmes sur la structure de votre histoire, etc. En fait, même quand on n'écrit pas, on écrit.

En bref, toutes ces techniques permettent de récupérer un peu de temps là où l’on pensait ne plus en avoir, et retrouver une certaine régularité d’écriture. Je persiste dans cette idée, je pense que créer l’habitude d’écrire est ce que vous pouvez faire de mieux pour avancer dans votre projet.

Bien sûr, cette préoccupation de la production est très anglo-saxonne. Je n’ai pas encore trouvé de blog d’écrivain francophone qui décrit ses habitudes d’écriture, ses problèmes, les coulisses. C'est aussi pour cela que je publie ces articles sur mon site.

Trouver du temps pour écrire, même lorsque l'on court deux boulots dans la même journée et qu'il faut s'occuper des enfants, a été pour moi une histoire de priorité (et donc, de sacrifices). Identifier tous ces moments où je peux glisser l'écriture dans les interstices, les utiliser, et bloquer des temps bien définis et sacralisés, uniquement consacrés à l'écriture.

Avant tout, vous devez trouver ce qui vous convient, et vous y tenir.

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Jean Martin
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